En matière de marchés publics, certains acteurs tentent de casser les prix par une offre dont le prix peut être jugé comme « anormalement bas ». Récemment, la Cour de justice de l’Union Européenne a même été contrainte de trancher dans une affaire où l’acheteur avait proposé une offre à 0 euro. Une stratégie de conquête des marchés publics basée sur une OAB (Offre Anormalement Basse) est donc à éviter.
Les acheteurs publics sont les garants d’une concurrence libre et loyale entre les candidats soumissionnaires d’offres dans le cadre des achats publics. C’est d’autant plus important que le marché de la commande publique est très élevé, estimé à plus de 200 milliards d’euros en 2022. Malgré l’inflation, la commande publique a même tenu le choc puisque le volume des achats publics a progressé de 6,5 % au premier semestre par rapport à la même période de 2021. Pour assurer une bonne exécution du marché, l’acheteur a pour obligation d’évaluer les offres qui leur sont faites et d’éliminer celles qui essaient de casser le marché, les offres aussi dites « anormalement basses ».
Une offre anormalement basse, qu’est-ce que c’est ?
Une offre dite anormalement basse représente une offre dont le prix ne correspond pas à une réalité économique. Il s’agit d’une offre qui nuit à la concurrence entre les différents candidats. Présenter l’offre la plus compétitive possible ne signifie pas qu’il faille casser le marché et vendre à perte.
Antoine Martin, qui pilote les contenus chez France Marchés, le portail des appels d’offres et de l’achat public, explique que « c’est à l’acheteur que revient l’obligation de détecter ces offres anormalement basses. Il assure la solidité des offres afin de garantir une bonne exécution du marché ».
Les acheteurs publics sont donc dans l’obligation de rejeter toute offre anormalement basse ne respectant pas les obligations applicables en matière de droit social et environnemental, le droit de l’Union, les conventions collectives ou les dispositions internationales.
Comment une offre est-elle qualifiée d’anormalement basse ?
Une offre suspectée comme anormalement basse ne peut être éliminée d’office par l’acheteur. Pour déterminer si une offre est anormalement basse ou non, plusieurs modalités de calcul existent.
Casser les prix pour remporter un contrat est une mauvaise stratégie car l’administration vous questionnera si elle a un doute sur la sincérité de l’offre. Une réponse succincte, c’est-à-dire non étayée, ne sera d’ailleurs pas suffisante. Autant donc jouer la carte de la transparence !
Parmi les modalités de calcul, la première consiste à apprécier l’écart par rapport à la moyenne des offres. Dans un premier temps, il faut que l’acheteur élimine l’offre la plus basse et celle la plus haute afin de calculer par la suite une moyenne représentative. Ensuite, l’acheteur calcule le prix moyen des offres soumises. Bien sûr, cette méthode ne fonctionne que si l’acheteur dispose d’un nombre d’offres suffisant.
La seconde modalité revient à comparer les offres avec l’estimation de l’administration. Il est toutefois préférable de combiner cette technique avec celle de l’écart.
Lorsque l’offre est inférieure de 25% à la moyenne représentative calculée, l’acheteur peut alors déclencher la mise en œuvre de l’article 60 du décret 2016 relatif aux marchés publics et renforcé par l’adoption définitive du projet de loi « Sapin II ». L’acheteur devra saisir par courrier les candidats dont les offres sont identifiées comme étant anormalement basses dans le but de leur demander de confirmer son prix et de détailler les conditions de formation des prix. L’acheteur décide ensuite du caractère possible de l’anormalité du prix.
Une offre à 0 € peut-elle amener à l’élimination d’un marché public ?
Par définition, un marché public est un contrat administratif conclu à titre onéreux entre un fournisseurs ou des prestataires et un organisme public afin de répondre à un besoin de l’organisme en question.
Le prix de l’offre étant un élément primordial dans le choix du prestataire, un prix bas pourra donc être considéré comme étant suspicieux. Une offre à 0 €uro est d’ailleurs considérée comme une OAB, c’est-à-dire une « offre anormalement basse » selon une décision de 2020 de la Cour de justice de l’Union Européenne dans le cadre d’un marché public pour lequel l’État slovène était acheteur.
La CJUE estime que lier le caractère onéreux d’un contrat à zéro euro à l’hypothèse d’un avantage financier futur (l’obtention de références futures ou l’accès à de nouveaux marchés qui, eux, ne seraient pas conclus à prix nul) est trop aléatoire.
L’offre à 0 euro n’est donc pas légale. Ce n’est pas une bonne porte d’entrée potentielle dans les marchés publics pour les PME encore peu nombreuses à soumettre des offres aux organismes publics. L’allègement des procédures de passation de marché public pour les marchés de travaux inférieurs à 100 000 euros HT a elle été maintenue. Elle offre donc la possibilité d’allotir des marchés et permettre ainsi aux PME de gagner des marchés publics.
Une stratégie basée sur une offre à 0 € ou à prix bas est donc mauvaise. Il est préférable que les PME s’engagent dans le sourcing et investissent dans des offres réalistes et cohérentes. Cela exige une analyse des DCE pour présenter l’offre la plus compétitive. Il faut aussi établir la liste des pièces et des préconisations de stratégie pour établir un tarif, définir les points essentiels à aborder dans le mémoire et poser les questions dans les délais.
Un certain formalisme est à respecter. Cela est certes plus chronophage, mais la stratégie est plus gagnante à long terme.
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